Face à l’ampleur croissante de la corruption, les autorités durcissent le ton. Amendes colossales, peines de prison ferme, confiscations de biens : les sanctions se multiplient et se renforcent pour dissuader les pratiques frauduleuses. Tour d’horizon des mesures répressives mises en place pour combattre ce fléau.
Un arsenal juridique renforcé contre la corruption
La loi Sapin II, adoptée en 2016, a considérablement renforcé l’arsenal juridique français contre la corruption. Elle prévoit des sanctions pénales et administratives plus sévères pour les personnes physiques et morales reconnues coupables d’actes de corruption. Les peines peuvent aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende pour les personnes physiques, montant pouvant être porté au double du produit de l’infraction. Pour les personnes morales, l’amende peut atteindre 5 millions d’euros ou dix fois le produit de l’infraction.
La loi a instauré une nouvelle obligation de prévention de la corruption pour les grandes entreprises, sous peine de sanctions administratives pouvant aller jusqu’à 1 million d’euros. Elle a créé l’Agence française anticorruption (AFA), chargée de contrôler la mise en place de ces mesures préventives et de sanctionner les manquements.
Des peines de prison ferme pour les corrupteurs
Les tribunaux n’hésitent plus à prononcer des peines de prison ferme à l’encontre des personnes reconnues coupables de corruption, y compris pour des personnalités influentes. Plusieurs affaires médiatisées ces dernières années ont abouti à des condamnations à de la prison ferme :
– L’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme a été condamné à 4 ans de prison, dont 2 ferme, pour corruption dans le cadre du scandale de dopage russe.
– Un ancien ministre du Budget a écopé de 4 ans de prison, dont 2 ferme, pour fraude fiscale et blanchiment.
– Plusieurs élus locaux ont été condamnés à des peines allant de 18 mois à 3 ans de prison ferme pour des faits de corruption et de trafic d’influence.
Ces condamnations à de la prison ferme, y compris pour des personnalités de premier plan, envoient un signal fort sur la détermination de la justice à sanctionner sévèrement les actes de corruption.
Des amendes record pour les entreprises
Les entreprises impliquées dans des affaires de corruption s’exposent désormais à des amendes colossales. Plusieurs groupes internationaux ont dû s’acquitter ces dernières années d’amendes dépassant le milliard d’euros :
– La banque BNP Paribas a été condamnée en 2014 à une amende record de 8,9 milliards de dollars aux États-Unis pour avoir contourné des embargos.
– Le groupe Airbus a accepté en 2020 de payer une amende de 3,6 milliards d’euros dans le cadre d’un accord avec les autorités françaises, britanniques et américaines pour mettre fin à des enquêtes sur des faits de corruption.
– Le constructeur automobile Volkswagen a été condamné à une amende de 1 milliard d’euros en Allemagne dans le scandale des moteurs diesel truqués.
Ces sanctions financières massives visent à dissuader les entreprises de se livrer à des pratiques de corruption, en rendant le coût du risque prohibitif.
La confiscation des avoirs illicites
Au-delà des amendes, la justice peut désormais ordonner la confiscation des biens acquis grâce aux produits de la corruption. Cette mesure vise à priver les corrupteurs du fruit de leurs activités illicites :
– Les autorités françaises ont ainsi saisi en 2020 pour plus de 60 millions d’euros de biens immobiliers appartenant à un ancien vice-président d’un pays africain, soupçonné de les avoir acquis avec de l’argent détourné.
– Dans l’affaire des « biens mal acquis« , la justice a ordonné la confiscation de plusieurs biens immobiliers de luxe appartenant à des dirigeants étrangers et leurs proches, pour une valeur estimée à plus de 150 millions d’euros.
La confiscation peut porter sur des biens mobiliers (voitures, œuvres d’art…) et immobiliers, mais aussi sur des avoirs financiers. Elle constitue un outil puissant pour priver les corrupteurs des fruits de leurs activités illicites.
L’inéligibilité, une sanction politique
Pour les élus et responsables politiques, la condamnation pour corruption s’accompagne généralement d’une peine complémentaire d’inéligibilité. Cette sanction les prive du droit de se présenter à une élection pendant une durée pouvant aller jusqu’à 10 ans :
– Un ancien président de conseil général a ainsi été condamné à 4 ans de prison avec sursis et 5 ans d’inéligibilité pour corruption et trafic d’influence.
– Un ancien ministre a été condamné à 3 ans de prison dont 2 avec sursis, 100 000 euros d’amende et 5 ans d’inéligibilité pour fraude fiscale.
L’inéligibilité vise à écarter de la vie politique les personnes reconnues coupables de corruption, afin de préserver l’intégrité des institutions.
La protection renforcée des lanceurs d’alerte
Pour faciliter la détection des faits de corruption, la loi a renforcé la protection des lanceurs d’alerte. Ces personnes qui signalent des violations de la loi dont elles ont eu connaissance dans le cadre professionnel bénéficient désormais :
– D’une immunité pénale pour la violation du secret professionnel lorsqu’elles signalent des faits de corruption.
– D’une protection contre les mesures de rétorsion de leur employeur (licenciement, sanctions…) lorsqu’elles effectuent un signalement de bonne foi.
– De la possibilité de saisir le Défenseur des droits pour bénéficier de conseils sur les démarches à suivre.
Ces mesures visent à encourager le signalement des faits de corruption en protégeant ceux qui les dénoncent.
La coopération internationale contre la corruption
La lutte contre la corruption s’intensifie au niveau international, avec une coopération accrue entre les autorités de différents pays :
– La Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers, ratifiée par 44 pays, prévoit des sanctions pénales pour les entreprises qui versent des pots-de-vin à l’étranger.
– Le Groupe d’États contre la Corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe évalue régulièrement les dispositifs anticorruption de ses 50 États membres.
– Des accords d’entraide judiciaire permettent l’échange d’informations et de preuves entre pays dans les enquêtes sur des faits de corruption transnationale.
Cette coopération vise à lutter plus efficacement contre la corruption internationale et à éviter que les corrupteurs puissent échapper aux sanctions en se réfugiant à l’étranger.
Face à l’ampleur du phénomène de corruption et à ses conséquences dévastatrices, les autorités ont considérablement durci les sanctions ces dernières années. Peines de prison ferme, amendes record, confiscations de biens : l’arsenal répressif s’est étoffé pour dissuader les pratiques frauduleuses. Si ces mesures commencent à porter leurs fruits, la lutte contre la corruption reste un défi majeur qui nécessite une mobilisation de tous les acteurs de la société.