La fusion d’entreprises est un événement majeur qui soulève de nombreuses inquiétudes chez les salariés. Quels sont leurs droits ? Leur emploi est-il menacé ? Leur contrat de travail peut-il être modifié ? Cet article fait le point sur les protections juridiques dont bénéficient les employés lors d’une fusion, de la préservation de leur contrat de travail aux possibilités de négociation collective, en passant par les obligations d’information et de consultation. Découvrez les garde-fous prévus par le droit du travail pour accompagner les salariés dans cette période de changement.
Le principe de maintien des contrats de travail
Lors d’une fusion d’entreprises, le principe fondamental qui s’applique est celui du maintien des contrats de travail en cours au jour de la modification. Ce principe est inscrit à l’article L.1224-1 du Code du travail. Il signifie que tous les contrats de travail en cours au moment de la fusion sont automatiquement transférés à la nouvelle entité, sans qu’aucune formalité ne soit nécessaire.
Concrètement, cela implique que :
- Les salariés conservent leur ancienneté
- Leur rémunération reste identique
- Leurs avantages acquis sont maintenus
- Leur qualification et leur fonction demeurent inchangées
Ce principe s’applique à tous les types de contrats : CDI, CDD, contrats d’apprentissage, etc. Il concerne également les salariés en période d’essai, en congé maladie ou maternité.
Toutefois, il est à noter que si la convention collective change suite à la fusion, les avantages qui en découlaient peuvent être remis en cause. Dans ce cas, des accords de substitution doivent être négociés dans un délai de 15 mois.
Le nouvel employeur ne peut pas profiter de la fusion pour licencier des salariés. Tout licenciement prononcé en raison du transfert serait considéré comme abusif. Néanmoins, des licenciements pour motif économique restent possibles si la fusion entraîne une réorganisation justifiant la suppression de postes.
Les obligations d’information et de consultation
La fusion d’entreprises ne peut se faire dans le secret. Le législateur a prévu des obligations d’information et de consultation des représentants du personnel afin de garantir la transparence du processus et de permettre aux salariés de faire entendre leur voix.
Tout d’abord, le comité social et économique (CSE) doit être informé et consulté sur le projet de fusion. Cette consultation doit intervenir suffisamment tôt pour que l’avis du CSE puisse être pris en compte dans la décision finale. Le CSE dispose d’un délai d’un mois pour rendre son avis (deux mois s’il fait appel à un expert).
Les informations transmises au CSE doivent être précises et écrites. Elles doivent notamment porter sur :
- Les motifs de la fusion
- Les conséquences juridiques, économiques et sociales pour les salariés
- Les mesures envisagées à l’égard du personnel
Par ailleurs, les salariés eux-mêmes doivent être informés individuellement du transfert de leur contrat de travail. Cette information doit intervenir avant la réalisation effective de la fusion.
Dans les entreprises de plus de 1000 salariés, une commission de suivi doit être mise en place. Elle est chargée d’examiner le projet de fusion et ses conséquences sur l’emploi.
Enfin, si la fusion entraîne des modifications importantes dans l’organisation du travail ou les conditions d’emploi, une négociation doit être engagée avec les organisations syndicales.
Le non-respect de ces obligations d’information et de consultation peut entraîner la nullité de l’opération de fusion.
Les possibilités de négociation collective
La fusion d’entreprises est souvent l’occasion de renégocier les accords collectifs en vigueur. En effet, la nouvelle entité peut se retrouver avec plusieurs accords différents applicables à diverses catégories de personnel, ce qui peut créer des inégalités et des difficultés de gestion.
Plusieurs options s’offrent alors aux partenaires sociaux :
- La dénonciation des accords existants
- La mise en cause automatique des accords
- La négociation d’un nouvel accord
En cas de dénonciation, les accords continuent de s’appliquer pendant un délai de préavis de 3 mois, puis pendant une période de survie de 12 mois. Durant cette période, une négociation doit être engagée pour aboutir à un nouvel accord.
La mise en cause intervient automatiquement lorsque l’application des accords est incompatible avec la nouvelle situation. Dans ce cas, les accords restent en vigueur pendant 15 mois, période durant laquelle un accord de substitution doit être négocié.
La négociation d’un nouvel accord est généralement la solution privilégiée. Elle permet d’harmoniser les statuts des salariés et d’adapter les dispositions conventionnelles à la nouvelle organisation.
Les thèmes de négociation peuvent être variés :
- Temps de travail
- Rémunération
- Classifications
- Prévoyance
- Épargne salariale
Il est à noter que les avantages individuels acquis sont maintenus en l’absence d’accord de substitution. Ces avantages correspondent aux droits déjà ouverts et disponibles, dont le salarié bénéficiait à titre personnel avant la dénonciation ou la mise en cause de l’accord collectif.
La négociation collective lors d’une fusion est un moment clé pour redéfinir le statut social des salariés et peut être l’occasion d’obtenir de nouveaux avantages en contrepartie des changements induits par la fusion.
Les recours possibles pour les salariés
Bien que la fusion d’entreprises soit encadrée juridiquement pour protéger les droits des salariés, des situations conflictuelles peuvent survenir. Les employés disposent alors de plusieurs voies de recours pour faire valoir leurs droits.
En premier lieu, le salarié peut saisir les représentants du personnel (délégués syndicaux, membres du CSE) pour qu’ils interviennent auprès de la direction. Ces représentants peuvent jouer un rôle de médiateur et tenter de résoudre le conflit à l’amiable.
Si le dialogue interne échoue, le salarié peut engager une action en justice devant le Conseil de Prud’hommes. Cette juridiction est compétente pour trancher les litiges individuels liés au contrat de travail. Le salarié peut contester :
- Une modification de son contrat de travail imposée suite à la fusion
- Un licenciement qu’il estime lié à la fusion
- Le non-respect des engagements pris lors de la fusion
Le délai pour saisir le Conseil de Prud’hommes est de 2 ans à compter du jour où le salarié a eu connaissance de la situation litigieuse.
Dans certains cas, une action collective peut être envisagée. Les syndicats peuvent notamment agir en justice pour faire respecter les accords collectifs ou contester une fusion qui ne respecterait pas les procédures légales.
Par ailleurs, si la fusion s’accompagne d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), les salariés peuvent contester son contenu ou sa mise en œuvre devant le tribunal administratif.
Enfin, en cas de harcèlement ou de discrimination liés à la fusion, le salarié peut saisir le Défenseur des droits ou porter plainte au pénal.
Il est recommandé aux salariés de bien s’informer sur leurs droits et de conserver toutes les preuves (emails, courriers, témoignages) qui pourraient étayer leur dossier en cas de litige.
Préparer l’avenir : stratégies pour les salariés face à une fusion
Face à l’annonce d’une fusion, les salariés ne doivent pas rester passifs. Plusieurs stratégies peuvent être adoptées pour préserver leurs intérêts et tirer le meilleur parti de cette situation de changement.
Tout d’abord, il est primordial de s’informer sur la fusion et ses implications. Les salariés doivent :
- Participer aux réunions d’information organisées par l’entreprise
- Consulter régulièrement les représentants du personnel
- Se renseigner sur la santé financière et la culture d’entreprise de la société absorbante
Ensuite, il peut être judicieux de faire un bilan de ses compétences et de son parcours professionnel. Cela permet d’identifier ses atouts et ses points faibles dans la perspective de la nouvelle organisation. Les salariés peuvent envisager de :
- Suivre des formations pour acquérir de nouvelles compétences
- Demander un bilan de compétences financé par l’entreprise
- Actualiser leur CV et leur profil sur les réseaux professionnels
La fusion peut aussi être l’occasion de négocier une évolution professionnelle. Les salariés peuvent :
- Proposer des projets innovants pour la nouvelle entité
- Demander un entretien pour discuter de leurs perspectives d’évolution
- Être proactifs dans la recherche de nouvelles responsabilités
Il est également important de rester vigilant sur ses droits. Les salariés doivent :
- Vérifier que leur contrat de travail est bien transféré sans modification
- S’assurer du maintien de leurs avantages acquis
- Participer aux négociations collectives via leurs représentants
Enfin, si la fusion suscite trop d’inquiétudes ou si les perspectives au sein de la nouvelle entité ne sont pas satisfaisantes, les salariés peuvent envisager un départ négocié. Ils peuvent alors :
- Demander une rupture conventionnelle
- Négocier des indemnités de départ plus avantageuses
- Bénéficier de mesures d’accompagnement (outplacement, aide à la création d’entreprise)
Quelle que soit la stratégie adoptée, il est essentiel de rester proactif et de ne pas subir la fusion. C’est en anticipant et en se préparant que les salariés pourront au mieux préserver leurs intérêts et saisir les opportunités qui peuvent découler de ce changement organisationnel majeur.